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ment sur son fauteuil. Il devint plus solennel, plus digne, plus confidentiel que jamais. Il leva deux de ses énormes doigts, et me jeta encore un de ces regards dont la pénétration m’affecte si douloureusement. Que faire ? Je n’étais pas de force à boxer avec lui. Comprenez, je vous prie, ma situation. Le langage humain peut-il en donner une idée exacte ? Véritablement, je ne le crois pas.

Ma visite, continua-t-il, sans que rien pût l’arrêter, ma visite a un double but indiqué par ces deux doigts. En premier lieu, je viens attester avec un profond regret la déplorable mésintelligence qui s’est établie entre sir Percival et lady Glyde. Je suis le plus ancien ami de sir Percival ; je suis par mon mariage apparenté à lady Glyde ; je suis le témoin oculaire de tout ce qui s’est passé à Blackwater-Park. En cette triple capacité, je puis parler avec autorité, avec confiance, avec un regret dont je m’honore. Monsieur, vous êtes le chef de la famille de lady Glyde, et comme tel, je dois vous informer que miss Halcombe n’a rien exagéré dans la lettre que vous avez reçue d’elle. J’affirme que le remède suggéré par cette admirable jeune personne est le seul qui vous puisse épargner les horreurs d’un scandale public. Une séparation momentanée entre le mari et la femme, je ne vois pas d’autre solution pacifique aux difficultés qui les divisent. Éloignez-les présentement l’un de l’autre, et quand toutes les causes d’irritation seront écartées, moi-même, qui ai l’honneur de vous adresser la parole, j’entreprendrai de mettre sir Percival à la raison. Lady Glyde est innocente ; on a fait tort à lady Glyde : mais, — entrez bien, je vous prie, dans cette idée ! — elle sera, par cela même (et je rougis de le dire), une cause permanente d’irritation, aussi longtemps qu’elle restera chez son mari. Quittant ainsi le domicile conjugal, elle ne saurait convenablement habiter ailleurs que chez vous. Je vous invite à lui ouvrir votre maison !…

À la bonne heure. Une grêle conjugale tombait dans le sud de l’Angleterre, et je me voyais engagé, par un homme qui perlait la fièvre dans tous ses vêtements, à quitter le nord de l’Angleterre pour aller prendre ma