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pourrais les trouver) les vêtements secs dont j’avais besoin pour me réchauffer. Je sais que j’ai fait tout cela ; mais, à quel moment ? je n’en ai plus conscience.

Pourrais-je même me rappeler celui où m’ont quittée le frisson glacial, les crampes endolories, et où un sang redevenu tiède a de nouveau circulé dans mes veines ?

Ce dut être bien certainement avant le lever du soleil ? Oui ; j’entendais l’horloge sonner trois heures. Je me rappelle cet instant à l’éclat soudain, à la netteté soudaine de mes pensées, à l’excitation, à l’élan fiévreux de toutes mes facultés. Je me rappelle la résolution bien arrêtée de me contenir, d’attendre patiemment, heure par heure, que la chance vienne s’offrir d’enlever ma sœur à cet horrible séjour, sans courir le risque d’être immédiatement découvertes et poursuivies. Je me rappelle cette persuasion, bien établie dans mon esprit, que les paroles échangées entre ces deux hommes nous serviraient, non-seulement à justifier notre départ du château, mais à nous protéger ensuite, et à nous armer contre eux au besoin. Je me souviens de m’être sentie poussée, tout à coup, à jeter ces paroles sur le papier, exactement comme elles avaient été dites, pendant que le temps m’appartenait encore, et que ma mémoire me les offrait fidèlement conservées. De tout ceci, je me souviens nettement. Il n’y a encore dans ma tête aucune confusion, aucun désordre. Mon arrivée ici, de ma chambre à coucher, avec ma plume, mon encre, mon papier, avant le lever du soleil ; — mon installation auprès de la fenêtre toute grande ouverte, pour procurer quelque fraîcheur à ma tête brûlante ; — mon travail sans repos ni trêve, ces feuillets que je noircissais de plus en plus vite, ayant de plus en plus chaud, me sentant de plus en plus incapable de dormir, durant tout cet intervalle effrayant qui devait s’écouler encore avant le réveil des gens du château ; — comme je me rappelle nettement tout cela !… depuis le commencement, aux clartés d’une bougie, jusqu’à cette page que je viens de tracer sous les rayons du soleil matinal.

Pourquoi suis-je encore assise ici ? pourquoi m’ob-