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pas assez haut pour que le cocher y prît garde. Le bruit des roues alla s’affaiblissant dans le lointain… Le cabriolet se perdit dans l’obscurité… La Femme en blanc était partie.

Dix minutes, peut-être plus, s’étaient écoulées… J’étais du même côté de la route, tantôt avançant machinalement de quelques pas, tantôt faisant halte sans trop m’en rendre compte. Par moments, je me surprenais doutant de la réalité de cette aventure ; par moments aussi, mal à mon aise avec moi-même, il me semblait que j’avais, sans savoir comment, un tort quelconque à me reprocher… Et pourtant, je n’aurais pu dire en quoi j’avais failli. Où j’allais, ce que j’entendais faire maintenant, c’est tout au plus si je le savais. Je n’avais nettement conscience que du désordre de mes idées, quand je fus tout à coup rappelé à moi-même, — l’expression de « réveillé » serait plus juste — par un bruit de voix qui se rapprochait derrière moi.

J’étais du côté de la route que la lune n’éclairait point, et à l’ombre de quelques arbres surplombant les murs d’un jardin, quand je fis halte pour regarder ce qui venait ainsi. À l’autre bout du chemin, et en pleine lumière, un « policeman » avançait, sans se presser, du côté de Regent’s Park.

La voiture me dépassa ; — une chaise découverte, que deux hommes conduisaient.

— Halte-là ! cria l’un d’eux. Voici un policeman. Questionnons-le ?

Le cheval s’arrêta tout au plus à quelques mètres de l’endroit obscur où je me tenais.

— Policeman ! cria le personnage qui, tout d’abord, avait parlé… N’avez-vous point vu, tout à l’heure, une femme passer par ici ?…

— Quelle espèce de femme, monsieur ?…

— Une femme avec une robe vert foncé…

— Non ! non ! interrompit l’autre voyageur… Les vêtements dont nous l’avons pourvue ont été retrouvés sur son lit… Elle a dû partir avec les habits qu’elle portait à