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vous le faisiez. Remerciez votre heureuse étoile de m’avoir trouvé là pour vous dire « non », quand vous aviez la folie, aujourd’hui même, de vouloir enfermer miss Halcombe, comme vous aviez eu l’absurdité d’enfermer votre femme. Où donc avez-vous les yeux ? Pouvez-vous regarder miss Halcombe sans deviner qu’elle a toute la prévoyance, toute la résolution d’un homme ? Avec cette femme pour amie, je narguerais le monde entier. Avec cette femme pour ennemie, nonobstant ce que je puis avoir de cervelle et d’expérience, moi qui vous parle, — moi, Fosco, « plus rusé que le diable », comme vous me l’avez dit cent fois, — je marche, comme vous dites ici, sur des œufs ! Et c’est cette créature grandiose, — je bois mon eau sucrée à sa santé ! — c’est cette créature grandiose, debout dans la force de son amour et de son courage, toujours placée, comme un roc, entre nous deux et cette pauvre mignonne blonde en papier mâché qui vous a pour mari, — c’est cette femme généreuse, admirée par moi de toute mon âme, bien que je lutte contre elle dans votre intérêt et dans le mien, — c’est elle que vous acculez ainsi, comme si elle n’était pas à la fois plus fine et plus hardie que le reste de son sexe !… Percival ! Percival ! vous méritiez d’échouer, et vous avez échoué…

Il y eut ici une pause. Je transcris les paroles de ce misérable à propos de moi, parce que je veux me les rappeler exactement ; j’espère encore que le jour viendra où je pourrai, une fois pour toutes, m’expliquer devant lui et les lui rejeter à la face, une par une.

Sir Percival fut le premier à rompre le silence qui s’était fait.

— Oui, oui, disait-il avec un accent bourra, grondez-moi, bravez-moi tant que vous voudrez ! Mais la difficulté relative à l’argent n’est pas la seule. Vous seriez vous-même pour quelque forte mesure à prendre vis-à-vis de ces femmes, si vous saviez tout ce que je sais.

— Nous aborderons, en son temps, cette seconde difficulté, répliqua le comte. Vous pouvez, Percival, vous embrouiller tant qu’il vous plaira, mais vous ne m’embrouillerez point. Réglons d’abord la question d’argent.