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prit et de consacrer toute mon attention à la conversation engagée au-dessous de moi. Pendant quelques minutes, je ne réussis qu’à en saisir les traits principaux. J’entendis le comte expliquer que la seule fenêtre éclairée était celle de sa femme ; que le rez-de-chaussée du château avait été parfaitement exploré : qu’ils pouvaient donc, sans crainte d’accident, se communiquer l’un à l’autre ce qu’ils avaient à se dire. Sir Percival se plaignit aigrement à son ami de ce que, pendant toute la journée, ce dernier avait tenu peu de compte de ses désirs et négligé ses intérêts ! Le comte, sur ce point, se défendait en déclarant que certains troubles, certaines inquiétudes dont il était assiégé, avaient absorbé son attention tout entière, et qu’en somme, pour une explication comme la leur, le seul moment à choisir était celui où ils pouvaient s’assurer de n’être ni interrompus ni surpris : — Nos affaires, Percival, traversent une crise sérieuse, disait-il, et si nous devons prendre pour l’avenir quelque parti définitif, c’est dans le conseil secret de cette nuit que nous aurons à l’arrêter…

Cette phrase du comte fut la première que je parvins à saisir, mot pour mot, comme elle avait été dite. À partir de ce moment, sauf quelques lacunes, quelques interruptions passagères, mon attention se concentra sur cet entretien palpitant d’intérêt ; et je le suivis sans en perdre une parole :

— Une crise ? répéta sir Percival. La crise est pire que vous ne vous l’imaginez ; c’est moi qui vous en réponds.

— Je l’aurais supposé, reprit froidement son interlocuteur, d’après votre conduite depuis un ou deux jours. Mais, ne nous pressons pas. Avant de passer à ce que je ne sais pas, établissons, d’une manière certaine, ce que je sais. Voyons si je suis bien fixé sur le passé, avant de combiner quoi que ce soit pour l’avenir.

— Laissez-moi d’abord aller chercher l’eau et le brandy… et vous apprêterez vous-même votre grog.

— Merci, Percival ! de l’eau fraîche, avec plaisir, une cuillère et le sucrier… De l’eau sucrée, mon ami, et rien autre chose.