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Lorsque je traversai le vestibule, il était absolument désert, et les oiseaux avaient cessé de gazouiller dans la bibliothèque. Je ne pouvais pas m’attarder à de nouvelles investigations, mais tout au plus m’assurer que la route était libre, et quitter alors le château avec les deux lettres bien en sûreté au fond de ma poche.

Une fois lancée vers le village, je me préparai à la chance de rencontrer sir Percival. Tant que je n’aurais affaire qu’à lui seul, j’étais bien certaine de ne pas perdre ma présence d’esprit. Et toute femme, maîtresse d’elle-même, peut tenir tête, en n’importe quelle circonstance, à un homme dominé par son humeur. Sir Percival ne m’effrayait pas comme le comte. En me faisant connaître le but de sa dernière sortie, la comtesse, au lieu de m’agiter, m’avait calmée. Tant que le désir de retrouver Anne Catherick serait chez lui le souci dominant, nous pourrions, Laura et moi, espérer quelque trêve à l’activité de ses persécutions. Aussi était-ce pour nous tout comme pour Anne elle-même, que j’espérais voir échouer les poursuites auxquelles il s’acharnait contre elle. Je l’espérais, dis-je, et c’était l’objet de mes ferventes prières.

Je parvins, d’un pas aussi rapide que la chaleur le permit, au chemin de traverse conduisant vers le village ; je regardais derrière moi, de temps en temps, pour m’assurer que je n’étais pas suivie.

Rien ne me parut avancer dans la même direction que moi, durant tout ce trajet, si ce n’est un chariot de paysan qui rentrait à vide. Le bruit de ses roues massives ne laissait pas de me gêner un peu ; et quand je m’aperçus que ce chariot prenait, de même que moi, le chemin du village, il me parut à propos de m’arrêter pour le laisser passer, et de le suivre de loin lorsqu’il m’aurait devancée. En le regardant avec plus d’attention que je n’avais fait encore, il me sembla que j’apercevais, par intervalles, les pieds d’un homme qui le suivait de fort près ; le charretier, au contraire, marchait devant, à côté de ses chevaux. Le chemin de traverse, dans la portion que