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tement comme elle me les dicta, les lignes suivantes :

« J’ai été vue avec vous, hier, par un vieillard de grande taille et de forte corpulence ; il a fallu courir pour me dérober à lui. Heureusement qu’il n’était pas assez agile pour me gagner de vitesse, et il a perdu ma trace parmi les arbres. Je n’ose pas risquer de revenir ici, aujourd’hui, à la même heure. J’écris ceci pour vous en avertir, et je le cache dans le sable, à six heures du matin. La première fois que nous reparlerons du secret de votre méchant mari, ce sera dans un endroit sûr, ou pas du tout. Tâchez d’avoir patience. Je vous promets que vous me reverrez, et cela bientôt. »

« A. C. »

L’allusion au « vieillard de haute taille et de forte corpulence » (expression que Laura était certaine de m’avoir exactement répétée) ne laissait aucun doute sur l’identité de l’indiscret témoin. Je me rappelai avoir dit à sir Percival, en présence du comte, le jour d’avant, que Laura était allée à l’embarcadère, en quête de sa broche perdue. Très-probablement, le comte l’y avait suivie, selon ses habitudes officieuses, afin de la rassurer au sujet de la signature, aussitôt après m’avoir annoncé, dans le salon, que sir Percival avait changé de projet. Le cas échéant, il n’avait pu arriver dans le voisinage de l’embarcadère qu’au moment même où Anne Catherick l’avait découvert ; sans nul doute, aussi, c’était en la voyant quitter précipitamment Laura, et prendre la fuite, qu’il avait cru devoir courir après elle ; poursuite vaine, comme on l’a vu. Il n’avait pu rien entendre de la conversation antérieure à ce moment. La distance qui séparait le château du lac, et l’exacte comparaison de l’heure à laquelle il m’avait quittée dans le salon, avec celle où Laura et Anne Catherick avaient eu leur premier entretien, ne nous laissaient pas, là-dessus, le moindre doute.

Arrivée, sur ce point du moins, à une conclusion bien établie, ma curiosité portait ensuite, en première ligne, sur les découvertes que sir Percival avait pu faire, une