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Percival, répondit la femme de charge. Je crains, miss Halcombe, qu’il ne soit arrivé quelque chose de bien malheureux…

Le cœur me manqua tout à coup : — Ce n’est pas d’un accident que vous voulez parler ? lui dis-je d’une voix affaiblie.

— Non, non, — Dieu merci ! aucun accident. Mais mylady est remontée chez elle, tout en larmes ; et sir Percival m’a enjoint de donner congé à Fanny, qui doit quitter la maison d’ici à une heure…

Fanny était la femme de chambre de Laura ; une bonne et affectionnée jeune fille qui était auprès d’elle depuis des années ; — la seule personne, dans le château, sur le dévouement et la fidélité de qui nous pussions compter.

— Où est Fanny ? demandai-je.

— Dans ma chambre, miss Halcombe. Cette jeunesse est tout à fait bouleversée ; je l’ai fait asseoir là pour qu’elle tâche de se calmer un peu.

J’allai dans la chambre de mistress Michelson, et j’y trouvai Fanny qui pleurait amèrement dans un coin, sa malle déjà fermée à côté d’elle.

Elle ne put aucunement m’expliquer son brusque renvoi. Sir Percival avait ordonné qu’on lui payât un mois de gages à la place du temps qu’on lui devait, et qu’elle partît sans retard. Aucune raison n’avait été donnée, aucun reproche élevé contre elle. Il lui avait été interdit d’en appeler à sa maîtresse, interdit même de la voir un instant pour prendre congé. Elle devait s’en aller, sans explication ni adieux, — et s’en aller immédiatement.

Lorsque j’eus consolé la pauvre jeune fille par quelques paroles amicales, je lui demandai où elle se proposait de passer la nuit. Elle me répondit qu’elle songeait à se retirer dans la petite auberge du village, l’hôtelière étant une femme respectable, bien connue des domestiques de Blackwater-Park. En partant de bonne heure, le lendemain, elle pourrait retourner directement chez ses amis du Cumberland, sans s’arrêter à Londres où elle n’avait jamais mis le pied.