Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/369

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans secours, en face de votre méchant mari… Oui, c’est bien cela… et il me faut accomplir ce pourquoi je suis venue ici ; il faut que je répare le tort que je vous ai fait en reculant, jadis, devant les révélations qui vous eussent sauvée. — Quelle est cette chose que vous avez à me dire ? lui demandai-je. — C’est, répondit-elle, le secret dont votre cruel mari a si grand’peur. Je l’ai jadis menacé du « secret », et je l’ai fait trembler ; vous l’en menacerez à votre tour, et il tremblera devant vous, comme il a tremblé devant moi… Je la vis alors prendre une physionomie plus sombre, et une sorte d’effarement irrité se peignit dans ses yeux. Elle étendit sa main vers mois par un geste distrait, inintelligible : — Ma mère connaît le secret, disait-elle ; il a pesé sur elle, il a flétri la moitié de sa vie… Un jour, quand je fus grande, elle m’en dit quelque chose, à « moi », et, le lendemain, votre mari…

— C’est cela, c’est cela… poursuivez m’écriai-je involontairement, que vous a-t-elle dit de votre mari ?…

— Arrivée là, Marian, elle s’arrêta de nouveau…

— Et ne dit rien de plus ?

— Elle se mit à écouter avec avidité : — Chut ! murmura-t-elle, dirigeant vers moi sa main par ce même geste vague et flottant, chut !… — Elle s’écarta obliquement de la porte, lentement, à petit bruit, pas à pas, jusqu’à ce que l’angle du mur l’eût dérobée à mes yeux.

— À coup sûr, vous l’avez suivie ?

— Oui, mes anxiétés me donnèrent le courage de me lever et de la suivre. Juste au moment où j’arrivais sur le seuil, elle reparut tout à coup, du côté opposé à celui par lequel je l’avais perdue de vue ; elle avait fait le tour de la hutte : — Le secret ? lui dis-je tout bas… Restez, et dites-moi le secret !… Elle me saisit le bras, et me jeta un regard insensé, plein de terreur ; — Pas à présent, dit-elle ; nous ne sommes pas seules… On nous guette. Venez ici, demain, à la même heure !… et venez seule !… Entendez-vous ?… venez seule !… Elle me repoussa dans la hutte par un brusque mouvement, et je cessai de la voir.