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J’ai fini par allumer un flambeau, par rechercher… dans mon ancien « Journal, » quelle a pu être au juste la part qui me revient dans la fatale erreur de son mariage, et ce que j’aurais pu faire autrefois pour la soustraire à cette union détestée. J’ai trouvé dans mes recherches quelque adoucissement à ma peine ; car elles m’ont prouvé que si j’ai manqué de perspicacité et de renseignements suffisants, au moins ai-je toujours agi pour le mieux. En général, je ne pleure guère sans en souffrir ; mais il n’en a pas été ainsi cette nuit. Je croirais plutôt que mes larmes m’ont soulagée. Je me suis levée ce matin, avec une résolution bien arrêtée et un esprit plus calme. Sir Percival, désormais, ne pourra rien faire ou rien dire qui m’exaspère ou me fasse oublier, ne fût-ce qu’un moment, que je dois rester ici, — en dépit de toutes mortifications, insultes, ou menaces, — pour l’amour ou le service de ma sœur.

Les conjectures auxquelles nous aurions pu nous livrer ce matin, sur cette figure entrevue près du lac et sur ces pas qui nous suivaient dans la plantation, se sont trouvées suspendues par un futile incident qui a laissé de vifs regrets à Laura. Elle a perdu la petite broche que je lui avais donnée, pour gage de souvenir, la veille de son mariage. Comme elle l’avait sur elle lorsque nous sommes sorties hier au soir, il est à croire que ce bijou se sera détaché de son vêtement, soit dans la hutte près du lac, soit sur les chemins, au retour. Les domestiques ont été envoyés aux recherches, et sont revenus sans avoir rien retrouvé. Maintenant, Laura elle-même est partie pour explorer la plantation. Qu’elle retrouve ou non le bijou perdu, ceci doit servir à excuser son absence du château, si par hasard sir Percival revenait avant que la lettre de l’associé de M. Gilmore eût été remise en mes mains.

Une heure vient de sonner. Je me demande s’il vaut mieux attendre ici l’arrivée du messager qu’on a dû m’expédier de Londres, ou me glisser tranquillement hors de la maison, et le guetter à l’extérieur de la grille pour qu’il n’ait pas affaire au concierge.

Mes soupçons, dans lesquels j’enveloppe hommes et