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Ces mots étaient à peine sortis de ses lèvres, que Laura jeta la plume à terre, en le regardant avec une expression que je voyais pour la première fois dans ses yeux, moi qui la connaissais si bien. Puis, avec un silence de mort, elle lui tourna le dos.

Cette énergique manifestation du mépris le plus amer et le moins déguisé était si absolument étrangère à ma sœur, et si en dehors de son caractère, qu’elle nous plongea tous dans le silence de la stupeur. Sous la brutalité superficielle des paroles que son mari venait de lui adresser, il y avait quelque chose de caché. Elles masquaient quelque mystérieuse insulte dont j’ignorais absolument la portée, mais qui avait laissé sur son visage une marque de profanation, évidente même pour un étranger.

Le comte, qui n’était plus étranger pour nous, la vit, cette marque, tout aussi distinctement que je pouvais la voir. Comme je me levais pour aller trouver Laura, je l’entendis, qui disait entre ses dents à sir Percival : — Idiot que vous êtes !…

Laura me précédait vers la porte, et, à ce moment-là même, son mari lui adressa la parole une fois encore :

— Vous refusez donc bien positivement de me donner votre signature ? dit-il avec l’accent altéré d’un homme qui sentait à quel point sa licence de langage venait de lui faire tort.

— D’après ce que vous venez de me dire, répondit-elle avec fermeté, je ne donnerai ma signature que lorsque j’aurai lu ce parchemin, d’un bout à l’autre, jusqu’à la dernière ligne. Venez, Marian, nous sommes restées ici assez longtemps.

— Un instant, dit le comte, qui intervint avant que sir Percival reprît la parole. — De grâce, lady Glyde, un instant !…

Laura serait sortie sans prendre garde à cette requête, mais je l’arrêtai.

— Ne vous faites pas un ennemi du comte ! lui dis-je à voix basse. Quoi que vous fassiez, évitez de l’avoir pour ennemi !…