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nous nous en revenions à pas lents le long de la plantation. Dès que nous eûmes regagné le château, le premier objet que nous aperçûmes au pied du perron fut le « dogcart » de sir Percival, auquel on avait déjà mis le cheval, et que surveillait un groom en jaquette d’écurie. S’il fallait en croire cette apparition inattendue, l’interrogatoire de la femme de charge avait déjà produit d’importants résultats.

— Voilà un beau cheval, mon ami, dit le comte, s’adressant au groom avec la plus engageante familiarité ; serait-ce que vous allez le sortir ?

— Pas moi, monsieur, répondit cet homme, jetant un coup d’œil sur sa jaquette, et fort surpris, bien évidemment, que le comte pût la confondre avec une livrée. Mon maître conduit lui-même.

— En vérité, dit le comte, je m’étonne qu’il se donne cette peine, quand il vous a sous la main… Va-t-il donc fatiguer ce joli cheval, si bien tenu, si élégant, en lui faisant faire aujourd’hui une longue course ?

— Je ne sais pas, monsieur, répondit l’homme ; sauf votre respect, monsieur, ce cheval est une jument. Nous n’avons pas, dans toutes nos écuries, une bête aussi courageuse. Son nom, monsieur, est « Brown-Molly » ; elle va tant que ses jambes la portent. Ordinairement sir Percival prend « Isaak-d’York » pour les petites courses…

— Et, pour les longues, cette courageuse « Brown-Molly » dont le poil a tant d’éclat ?

— Oui, monsieur.

— Inférence logique, miss Halcombe, continua le comte, qui s’était vivement retourné pour m’adresser la parole ; sir Percival, aujourd’hui, ne va pas dans le voisinage…

À ceci je ne répondis point. J’avais, pour ma part, des conclusions à tirer de ce qui s’était passé devant moi. Or, je ne voulais pas en faire part au comte Fosco.

« Dans le Cumberland, me disais-je intérieurement, sir Percival a fait une longue course pédestre, à cause d’Anne, pour aller questionner les fermiers de Todd’s-