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soit aussi pénétrante, et je suis sûre que le comte Fosco sait, là-dessus, à quoi s’en tenir. Plus d’une fois, dans le cours de la soirée, j’ai surpris sir Percival qui le regardait, comme cherchant sur sa physionomie un signe d’approbation.

« 17 juin. » — Journée remplie d’événements. Je souhaite, et bien ardemment, n’avoir point à ajouter : remplie de malheurs.

Sir Percival, au déjeuner, est resté tout aussi muet que la veille sur ce mystérieux « arrangement » (comme dit l’homme de loi), qu’on tient suspendu sur nos têtes. Une heure après, cependant, il entra tout à coup dans la pièce destinée aux réceptions du matin, et où nous étions, sa femme et moi, nos chapeaux sur la tête, attendant madame Fosco pour sortir avec elle. Sir Percival s’enquit de l’endroit où il pourrait trouver le comte.

— Nous l’attendons, lui dis-je, d’ici à quelques instants.

— Le fait est, continua sir Percival, qui allait et venait par la chambre avec une sorte de trépidation nerveuse, le fait est que j’aurai tout à l’heure besoin de Fosco et de sa femme, dans la bibliothèque, pour une pure formalité d’affaires ; Laura, je réclamerai aussi votre présence, une minute ou deux tout au plus… Il s’arrêta, et parut remarquer, pour la première fois, notre toilette de promenade.

— Ne faites-vous que rentrer ? demanda-t-il, ou bien alliez-vous sortir ?

— Nous pensions tous aller au lac, ce matin, dit Laura. Mais si vous avez quelqu’autre arrangement à proposer…

— Non, non, interrompit-il en tout hâte. Mon affaire peut très-bien attendre… Après le lunch ou après le déjeuner, peu m’importe… Vous avez donc tous projeté d’aller au lac ?… C’est une idée, cela… Donnons-nous une matinée de bon temps ; je serai volontiers des vôtres…

Il n’y avait pas à se méprendre sur son attitude, alors même qu’on eût pu méconnaître ce qu’il y avait de contraire à sa nature dans cette facile subordination de ses plans et de ses projets aux convenances d’autrui, telle qu’il venait de l’exprimer en parole. Il était évidemment