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sées, de ce qu’elle éprouve au milieu des merveilles qui passent sous ses yeux, exactement comme si elle s’adressait à quelque tierce personne, et si elle voyageait avec moi, au lieu d’être accompagnée par son mari. Je n’aperçois nulle part la moindre preuve qu’une sympathie quelconque se soit établie entre eux. Alors même qu’elle laisse de côté ses voyages, pour s’occuper de la vie qu’elle doit mener en Angleterre, ses calculs ont trait à son avenir, comme sœur de Marian Halcombe, et une singulière obstination lui fait négliger ce même avenir comme femme de sir Percival. Dans tout ceci, nulle plainte en sourdine qui me donne à craindre que son mariage l’ait rendue absolument malheureuse. Non, Dieu merci, l’impression générale que m’a laissée notre correspondance, ne m’amène pas à une conclusion aussi navrante. Je constate seulement une tristesse engourdie, une indifférence immuable, lorsque, cessant de l’envisager en sœur, comme jadis, je cherche, au moyen de ses lettres, à me la figurer dans son nouveau rôle de femme mariée. En d’autres termes, c’est toujours Laura Fairlie qui m’a écrit, pendant les derniers six mois, — et jamais je n’ai vu apparaître lady Glyde.

Le silence étrange qu’elle observe au sujet du caractère et de la conduite de son mari, elle le garde aussi résolument dans le petit nombre de passages où ses dernières lettres mentionnent le nom du comte Fosco, l’ami intime de sir Percival.

Sans que j’en sache au juste la raison, il paraît que le comte et sa femme, à la fin du dernier automne, durent brusquement modifier leurs plans et partirent pour Vienne, au lieu de se rendre à Rome, où sir Percival, à son départ d’Angleterre, espérait encore les trouver. Ils n’ont quitté Vienne qu’au printemps, et sont venus, jusque dans le Tyrol, rejoindre nos nouveaux mariés, qui s’en revenaient dans leur pays. Laura s’est montrée assez communicative au sujet de madame Fosco, et m’assure que j’aurai de la peine à reconnaître sa tante, le mariage ayant produit en elle une multitude d’heureux changements ; elle est, paraît-il, beaucoup moins