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même du mariage de ma sœur, il me semble parler de sa mort.

« 1er décembre. » — Triste, triste journée ; journée sur laquelle je n’aurai pas le courage d’insister. Après avoir reculé hier soir, et par pure faiblesse, devant cette pénible nécessité, il a bien fallu, ce matin, soumettre à ma sœur les propositions de sir Percival relativement à leur voyage de noces.

Pleinement convaincue que partout où elle irait je devais l’accompagner, la pauvre enfant, — car elle est encore enfant à bien des égards, — se montrait presque heureuse à l’idée qu’elle allait voir les merveilles de Florence, de Rome et de Naples. Quand il a fallu dissiper son illusion et la mettre face à face avec l’âpre et dure vérité, cela m’a saigné le cœur. J’ai dû lui dire qu’aucun homme ne tolère une rivalité, — non pas même une rivalité féminine, — dans les affections de la femme qu’il vient d’épouser : cela du moins (et quoi qu’il puisse en advenir plus tard) dans les premiers temps de leur union. J’ai dû l’avertir que, pour arriver à me faire vivre constamment auprès d’elle, il fallait à tout prix éviter les sentiments de jalousie et de méfiance que sir Percival ne manquerait pas de concevoir contre moi, si je lui apparaissais, au début de leur mariage, comme la confidente élue des plus intimes secrets de sa femme. Il a fallu distiller, goutte à goutte, dans ce cœur pur, dans cet esprit immaculé, l’amertume profanatrice de la sagesse mondaine ; tandis que, contre cette misérable tâche, se révoltaient les plus hauts et les meilleurs sentiments que j’aie en moi. C’en est fait, maintenant : cette rude, mais inévitable leçon, elle l’a reçue. Les naïves illusions de son enfance s’en sont allées, et c’est ma main qui lui a retiré ce vêtement virginal. Mieux vaut la mienne que celle de cet homme, — voilà toute ma consolation. Moi plutôt que lui, cela vaut mieux.

Donc, des deux propositions, c’est la première qu’on accepte. Ils iront en Italie ; et, avec la permission de sir Percival, je dois me préparer, dès qu’ils reviendront en Angleterre, à les rejoindre pour résider ensuite constam-