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porter à moi, Laura, pour en tirer tout le parti possible, ainsi que les femmes savent le faire…

Tout en parlant, j’avais débarrassé ma robe de son étreinte ; mais, dans ce moment-là même, elle glissa ses bras autour de ma taille, m’emprisonnant ainsi mieux que jamais.

— Cela ne servira, disait-elle, qu’à nous impliquer dans de nouveaux troubles et de nouveaux embarras. Vous vous mettrez en hostilité avec mon oncle, et sir Percival reviendra ici, pourvu de nouveaux griefs…

— Tant mieux ! m’écriai-je, oubliant toute réserve. Qui donc se soucie de ses griefs ? Faut-il que vous vous brisiez le cœur pour rendre le calme à sa vanité alarmée ? Il n’est pas d’homme, sur cette terre, à qui, nous autres femmes, nous devions de pareils sacrifices… Les hommes !… ce sont les ennemis de notre innocence et de notre repos ; — ils nous arrachent à l’amour de nos parents, à l’amitié de nos sœurs ; ils nous prennent pour eux corps et âme, et attachent à leur vie la nôtre qui n’en peut mais, comme ils attacheraient un chien à la loge qu’il doit habiter. Et, en échange, que nous donne le meilleur d’entre eux ? Laissez-moi, Laura ! — Je suis folle quand j’y pense…

Des larmes, — de misérables larmes, les seules ressources qu’une faible femme ait au service de son dépit et de sa colère, montèrent tout à coup à mes yeux. Elle sourit tristement et posa son mouchoir sur ma figure, comme pour m’épargner à moi-même cette manifestation de ma propre faiblesse, — de cette faiblesse pour laquelle, entre toutes, j’ai toujours professé le mépris le plus sincère.

— Oh ! Marian, disait-elle, « vous », pleurer !… Pensez donc à ce que vous me diriez, si nos rôles étaient changés, et si ces larmes coulaient de mes yeux !… Toute votre tendresse, tout votre courage, tout votre dévoûment ne changeront pas ce qui doit arriver, tôt ou tard… Cédons à la volonté de mon oncle… Évitons les agitations, les ressentiments que je puis prévenir par un sacrifice de moi, n’importe lequel. Dites-moi, Marian, que quand je serai mariée, vous viendrez vivre auprès de moi, — et ne parlons plus de tout ceci…