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de lui demander, puisqu’elle était le suicide de toutes ses espérances. Par sa conduite du jour précédent, ma sœur avait tellement ajouté à l’amour immuable, à l’admiration qu’il ressentait pour elle, depuis deux longues années, que désormais, il ne saurait entreprendre, avec succès, de lutter contre des sentiments devenus si forts. Je pourrais l’accuser de faiblesse, d’égoïsme, d’insensibilité même à l’égard de la femme qu’il idolâtrait ainsi, et il n’aurait qu’à courber la tête, avec toute la résignation possible, sous le poids d’un jugement si sévère ; seulement il me demanderait d’examiner si l’avenir de ma sœur, restant seule au monde, aux prises avec un attachement malheureux qu’elle ne pourrait jamais avouer, lui offrait de beaucoup meilleures chances que si elle acceptait la main d’un homme disposé à vénérer le sol même que ses pieds auraient foulé ? Dans cette dernière hypothèse, si peu qu’on dût en attendre, le temps pourrait amener quelques changements heureux ; — dans la première, à l’envisager comme ma sœur l’envisageait elle-même, il ne restait aucune espérance. »

— Je lui répondis, — mais plutôt pour obéir à mes instincts de femme que pour m’être senti quelque chose de décisif à lui dire. Il était bien évident, hélas ! que l’alternative dans laquelle ma sœur s’était placée elle-même, mettait à la disposition de sir Percival le choix du parti à prendre, — et qu’il avait pris ce parti, profitant de l’avantage qu’on lui laissait. Tout en lui répondant, je comprenais ceci, et j’en suis maintenant tout aussi pénétrée, tandis que, seule avec moi-même, j’écris ces lignes. L’unique espoir qui nous reste, c’est qu’il obéisse en réalité, comme il l’affirme, à l’irrésistible force de son attachement pour Laura.

Avant de clore, ce soir, mon journal, j’y dois mentionner que j’ai écrit aujourd’hui, dans l’intérêt du pauvre Hartright, à deux des anciens amis de ma mère, — tous les deux influents, et bien placés à Londres pour le servir. Je suis sûre qu’ils feront pour lui tout ce qui dépendra d’eux. À l’exception de Laura, je ne me suis jamais préoccupée de personne plus que je ne me préoccupe