membre de la famille ? insinuai-je, voyant qu’elle ne savait comment passer outre.
La rougeur de ses joues s’épandit sur son front et sur son cou, et ses doigts tremblants se crispèrent soudain autour de la tranche du livre.
— Il y a encore quelqu’un, dit-elle, ne prenant pas garde à mes dernières paroles, bien qu’évidemment elle les eût entendues ; il y a encore quelqu’un à qui un petit souvenir serait agréable si… — je pouvais le lui laisser… Et quel mal y aurait-il, si je mourais la première ?…
Elle s’arrêta de nouveau. La rougeur qui avait subitement envahi ses joues, les abandonna tout aussi subitement. La main posée sur l’album cessa de l’étreindre, trembla légèrement, et le poussa ensuite loin d’elle. Elle me regarda un instant, — puis détourna la tête, l’appuyant au dossier de son fauteuil. Pendant ce changement de position, son mouchoir venait de glisser à ses pieds, et, pour me dérober son visage, elle dut le cacher en toute hâte dans ses mains.
Triste ! triste ! — Se la rappeler, comme je faisais alors, l’enfant la plus vive et la plus heureuse qui jamais ait absorbé toute une journée dans un long éclat de rire, et la voir maintenant, à la fleur de l’âge, à la fleur de la beauté, brisée, affaissée comme elle l’était !
Le chagrin qu’elle me causait me fit oublier complètement les ans écoulés et le changement qu’ils avaient apporté dans nos situations relatives. Je rapprochai mon fauteuil du sien, je ramassai son mouchoir tombé sur le tapis, j’écartai doucement les mains qui me cachaient son visage : — Ne pleurez pas, chère petite, disais-je, et de ma main je séchai les larmes accumulées dans ses yeux, comme si elle eût été la petite Laura Fairlie, plus jeune de dix longues années.
C’était le meilleur moyen que je pusse prendre pour la calmer. Elle posa sa tête sur mon épaule, et, tout à travers ses larmes, sourit vaguement.
— Je suis bien fâchée de m’être oubliée ainsi, disait-elle avec une naïveté touchante. J’ai été indisposée, — j’ai eu, tous ces derniers temps, des tristesses, des fai-