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Me risquant un peu plus près d’elle, je lui tendis la main.

— Bien des amis vous ont voué leur affection, miss Fairlie. Votre bonheur à venir est l’objet chéri de bien des espérances. Ne puis-je dire, au moment de nous quitter, qu’il est aussi l’objet le plus cher aux miennes ?…

D’abondantes larmes coulaient le long de ses joues. Elle appuya sur la table une main tremblante, pour se soutenir, tandis qu’elle me donnait l’autre. Je la pris dans les miennes, — je l’y tins captive. Ma tête s’inclina sur cette main, mes larmes la mouillèrent, mes lèvres allèrent s’y poser, — non par un élan d’amour (oh ! non ; à cet instant suprême ce n’était pas de l’amour !), mais dans cette agonie du désespoir qui s’abandonne lui-même.

— Pour l’amour de Dieu, laissez-moi ! dit-elle d’une voix affaiblie.

Ainsi s’échappa, dans ces quelques mots suppliants, la révélation du secret de son cœur. Ces mots, je n’avais pas le droit de les entendre, je n’avais pas le droit d’y répondre ; au nom de sa faiblesse sacrée, ces mots m’interdisaient de rester auprès d’elle. Tout était fini. Je laissai aller sa main ; je n’ajoutai pas une parole. Les pleurs qui m’aveuglaient la dérobaient à mes yeux, et, pour la voir une dernière fois, je dus les sécher à la hâte. Ce regard me la montra comme affaissée dans un fauteuil, posant ses deux bras sur la table, et sur eux abaissant sa belle tête avec un mouvement d’inexprimable fatigue. Ce regard fut le dernier ; la porte s’était refermée sur elle. — l’abîme de la séparation s’était ouvert entre nous, — l’image de Laura Fairlie n’était déjà plus qu’un souvenir du passé.

FIN DU RÉCIT DE HARTRIGHT.