Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rent et lorsqu’elle vit que nous étions seuls. Puis, avec ce courage que les femmes perdent si souvent dans les petites occasions et si rarement dans les grandes, elle continua de marcher vers moi, singulièrement pâle et tranquille, traînant après elle une de ses mains sur la table le long de laquelle elle avançait, et dans l’autre main, pendante à son côté, tenant un objet que me cachaient les plis de son vêtement.

— Je suis allée dans le salon, me dit-elle, pour chercher ceci. Ce sera un souvenir de votre visite ici, et des amis que vous y laissez… Vous aviez trouvé, quand je le fis, que mes progrès étaient très-marqués, — et j’ai pensé que vous aimeriez…

En détournant la tête, elle m’offrit, à ces mots, une petite esquisse, toute de sa main, représentant le pavillon d’été où nous nous étions vus pour la première fois. Le papier qu’elle me tendit tremblait dans sa main ; — il tremblait dans la mienne, lorsque je l’eus reçu d’elle.

Je craignais d’exprimer ce que je sentais ; — je répondis seulement : — Jamais ce souvenir ne me quittera ; il sera, toute ma vie, mon trésor le plus cher. J’en suis bien reconnaissant… et je vous sais bien bon gré de ne pas m’avoir laissé partir sans vous dire adieu.

— Oh ! dit-elle naïvement, comment cela se pouvait-il, après tant d’heureux jours passés ensemble !

— Ces jours ne reviendront jamais, miss Fairlie ; — ma route et la vôtre sont séparées par des abîmes. Mais si une occasion se présentait où mon dévouement de cœur et d’âme pût vous donner un instant de bonheur, vous épargner un instant de chagrin, voudrez-vous ne pas oublier le pauvre professeur de dessin dont vous avez reçu les leçons ? Miss Halcombe a promis de se fier à moi ; — voudrez-vous aussi me faire cette promesse ?…

Dans ces beaux yeux bleus, au bon regard, et derrière les larmes dont ils commençaient à se gonfler, brilla, légèrement voilée, la mélancolie des adieux.

— Je le promets, dit-elle d’une voix brisée. Oh ! ne me regardez pas ainsi !… Je vous le promets du fond du cœur…