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— Les deux hommes, repris-je, s’adressant à l’agent de police, lui demandèrent s’il vous avait vue. Il répondit que non. L’un d’eux alors reprit la parole, et dit que vous vous étiez échappée de son hôpital…

Elle bondit aussitôt, comme si mes dernières paroles avaient appelé sur sa trace les hommes acharnés à la poursuivre.

— Attendez ! écoutez la fin ! lui criai-je… Attendez ! et vous saurez quel service je vous ai rendu. Une parole de moi aurait suffi pour révéler à ces hommes le chemin que vous aviez pris, — et, cette parole, je ne l’ai pas dite… J’ai favorisé, j’ai assuré votre évasion. Réfléchissez ; tâchez de réfléchir !… tâchez de comprendre ce que je vous dis…

Mieux que mes paroles, leur accent et mon attitude semblaient agir sur elle. Elle fit un effort pour s’emparer de cette nouvelle idée. Le linge humide passait d’une de ses mains dans l’autre, exactement comme le petit sac de Voyage, cette nuit où je l’avais vue pour la première fois. Le sens de ce que je disais parut lentement se faire jour au milieu de ce trouble et de cette agitation qui s’étaient emparés de son esprit. La rigidité de ses traits s’adoucit par degrés, et, dans l’expression de ses traits, une curiosité naissante prit la place de la frayeur qui s’apaisait.

— Vous ne voulez pas, « vous », dit-elle, qu’on me ramène dans cet hospice ? vous ne le voulez pas, n’est-il pas vrai ?

— Certainement non. Je suis charmé que vous vous soyez échappée, charmé de vous être venu en aide.

— Oui, oui, vous m’avez certainement aidée ; vous m’avez aidée au moment difficile, continua-t-elle avec une certaine distraction. Il ne fallait pas se donner grand’peine pour s’échapper, ou je n’en serais pas venue à bout… Ils ne me surveillaient pas comme ils surveillaient les autres. J’étais si tranquille, si obéissante, si facile à effrayer… Trouver Londres, voilà le grand obstacle ; et, en ceci, vous m’avez aidée… Vous remerciai-je assez à cette époque ?… Je vous remercie, maintenant, et du fond du cœur.