Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/11

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nages, — quels que soient les défauts que la critique leur puisse d’ailleurs reprocher, — avaient la bonne fortune de produire, sur le grand nombre des lecteurs, la même impression que de vivantes réalités. Les deux, « rôles de femmes, » par exemple « (Laura et miss Halcombe), » s’étaient fait de si chauds amis que, lorsqu’une crise du roman parut les menacer l’une et l’autre de quelque sinistre aventure, je reçus plusieurs lettres écrites sur le ton le plus sérieux, pour me supplier de « leur sauver la vie ! »

Miss Halcombe, en particulier, fut tellement prise en faveur qu’on me mit en demeure, — ceci plus d’une fois, — de déclarer si ce caractère était peint d’après nature ; le cas échéant, on voulait savoir si le modèle vivant d’après lequel j’avais travaillé, consentirait à écouter les sollicitations de différents célibataires qui, parfaitement convaincus d’avoir en elle une femme excellente, se proposaient de lui demander sa main !

Pour une autre catégorie de lecteurs, « le Secret » qui, dans ce récit, se rattache à l’existence de « sir Percival Glyde » devint, à la fin, l’objet d’une curiosité exaspérée, qui donna lieu à divers paris dont on me constituait l’arbitre. Mais pas un des parieurs — et en dehors d’eux, pas un de mes lecteurs — n’arriva, que je sache, à deviner ce que pouvait être ce secret, — avant que le moment fût arrivé où j’avais arrêté d’avance que la découverte pourrait en être pressentie.

En ce qui concerne le « comte Fosco », d’innocents gentlemen, par douzaines, qui avaient le malheur d’être gras à l’excès, furent dénoncés tout à coup comme m’ayant fourni les éléments de ce portrait ; et, dans les rares occasions où ma voix essaya de dominer le tumulte des hypothèses dont je parle, j’eus beau déclarer « qu’aucun romancier, se limitant à un seul modèle, ne saurait espérer de faire vivre un personnage de sa création » ; j’eus beau affirmer « que des centaines d’individus, dont