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— Laissez-moi partir aujourd’hui ! lui dis-je avec amertume. Le plus tôt sera le mieux.

— Non, pas aujourd’hui ! répondit-elle. L’unique motif que vous puissiez donner à M. Fairlie, pour quitter vos élèves avant l’expiration de votre engagement, doit être qu’une nécessité tout à fait imprévue vous force à lui demander la permission de retourner immédiatement à Londres. Il est misérable, il est révoltant de s’abaisser à la tromperie, même la plus innocente ; mais je connais M. Fairlie, et si une fois vous lui donnez à penser que vous le traitez avec trop de sans-gêne, il refusera de vous dégager. Voyez-le, dès vendredi matin, occupez-vous ensuite (dans l’intérêt de vos relations avec votre patron), à laisser aussi en ordre que possible les travaux que vous ne pouvez achever ; samedi, quittez cette maison ! Il sera bien temps alors, monsieur Hartright, et pour vous et pour nous tous…

Avant que j’eusse pu l’assurer qu’elle devait compter sur ma parfaite déférence à ses désirs, un bruit de pas, sous la futaie, nous fit tressaillir tous les deux. Quelqu’un venait du château à notre recherche ! Je sentis le sang me monter aux joues et redescendre ensuite à mon cœur. Cette tierce personne qui, à ce moment critique, accourait ainsi vers nous, n’était-ce point miss Fairlie.

Ce fut un soulagement, tant ma position vis-à-vis d’elle était maintenant attristante et désespérée ; — ce fut un véritable soulagement que de reconnaître, lorsqu’elle parut à l’entrée du pavillon, la femme de chambre de miss Fairlie. Dieu merci, ce n’était qu’elle !

— Pourrai-je vous parler un instant, miss ? demanda cette jeune fille, qui semblait un peu émue et mal à son aise.

Miss Halcombe descendit les marches du perron, et fit, à côté de la soubrette, quelques pas sous les arbres.

Laissé seul, je revins par la pensée, — avec un sentiment de misère et d’abandon qu’aucun mot ne saurait rendre, — dans ces chambres désertes, où j’allais, à Londres, traîner une vie solitaire et désespérée, le souvenir de ma