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C’ÉTAIT ÉCRIT !

première borne milliaire, sur la route de Garvan, vous est-elle connue ?

— Oui, monsieur.

— Parfait. Eh bien ! fit-il d’une voix brève, transportez-vous là, et après vous être assuré que personne ne surveille vos faits et gestes, regardez derrière cette borne et, si vous y découvrez un objet qui paraisse avoir été laissé là intentionnellement, apportez-le-moi au plus vite ; rappelez-vous que j’attends votre retour avec une impatience sans égale. »

Pas un mot ne fut ajouté à ces étranges recommandations.

Aussitôt dit, le maître clerc détale rapidement. Les tendances nationales de l’Irlande aux conspirations et même aux assassinats, servaient de thème à ses réflexions. Sir Giles, pensait-il, ne jouit pas d’une grande popularité ; l’on sait qu’il paie ses impôts sans récriminer et, autre circonstance aggravante, qu’il cite même avec complaisance, ce que l’Angleterre a fait en faveur de l’Irlande depuis cinquante ans. Il se disait encore, chemin faisant, que, si l’objet en question semblait suspect, il aurait soin de se garer sur la route, des coups de fusil dont on pourrait le saluer au passage.

Arrivé à la borne milliaire, il aperçoit par terre, un tesson. Un instant, Denis hésite. Il se livre à des calculs et tire des conclusions. Une babiole d’aussi mince importance pouvait-elle avoir le moindre rapport avec les instructions de son patron ? D’autre part, l’ordre qu’il avait reçu, était aussi péremptoire dans le fond que dans la forme. Bref, tout pesé, il ne vit qu’une seule chose à faire : se résigner à l’obéissance passive, au risque d’être reçu par sir Giles comme un chien dans un jeu de quilles, lorsqu’il le verrait arriver ce tesson à la main.

Or, cette crainte ne se réalisa point et après l’avoir tourné et retourné, sir Giles avertit Denis qu’il allait le charger d’une autre mission, sans condescendre sur cette énigme.

« Si je ne me trompe, ajouta-t-il, les portes de la bibliothèque publique ouvrent à neuf heures. Soyez-y à l’heure tapante. » Puis, il fit une pause, considéra la lettre ouverte sur son lit et dit : « Vous demanderez le troisième volume de Gibbon sur la chute de l’empire romain, vous l’ouvrirez