Page:Collin - Trente poésies russes, 1894.djvu/54

Cette page a été validée par deux contributeurs.


Il dira que le pauvre, en sa froide demeure,
Souffre, peine et gémit sous le poids de ses maux ;
Que la terre est avare et qu’il faut, à toute heure,
La féconder, au prix d’efforts toujours nouveaux.

Car Avril même, Avril qui donne tant de joie
Aux gais oiseaux, Avril, si doux en sa beauté,
À ceux que la misère a choisis pour sa proie
N’apporte pas leur part d’espoir et de gaîté.

Certes, comme l’oiseau d’une chanson sonore
Salue insoucieux la naissance du jour,
Le laboureur voudrait aussi, quand vient l’aurore,
L’accueillir, au réveil, par un hymne d’amour ;

Certe, il voudrait chanter, mais il faut qu’il se taise.
Comme un plomb écrasant, le fardeau du souci
Sur son cœur inquiet trop obstinément pèse
Et lui courbe le front sans trêve ni merci.