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BALLADE ÉCOSSAISE

Sur un fragile esquif j’affronterai leur rage
Et l’écueil brisera ma chaloupe et mes os !…

— Mais, Richard, si tu n’es plus là pour les défendre,
Que deviendront ta femme et tes enfants, demain ?
Ils seront sans asile et peut-être sans pain !…
— Je ne les connais plus. Je ne veux plus entendre
Leur nom, jamais, jamais ! Que sur le grand chemin,
Le sac au dos, les pieds meurtris, ils aillent tendre,
Comme des vagabonds, leur suppliante main,
Mendiant au hasard, frappant de porte en porte…
Pourvu que ma mémoire en eux soit morte, et morte
La leur en moi, le reste, à présent, que m’importe ?

— Mais ta mère ? Elle a droit à ta pitié, du moins.
Richard, souviens-toi d’elle. Avec quelle tendresse
Elle a veillé sur toi, jadis, et de quels soins
Elle entoura ta pâle et chétive jeunesse !
Souviens-toi. La douceur du baiser maternel
Apaise tout chagrin, calme toute colère…