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TRENTE POÉSIES RUSSES


Je croyais que la mort guérirait la blessure
Qu’avaient faite à mon cœur nos terrestres amours.
Je me trompais je sens encore la morsure
De mes anciens tourments et j’en saigne toujours.

Affrontant sans effroi l’heure de l’agonie,
Je croyais que de toi je serais séparé…
Non. Mon âme te reste obstinément unie ;
De nos liens brisés je suis mal délivré.

Dieu se révèle à moi, glorieux. Que m’importe
Dieu, sa gloire et l’éclat serein du paradis,
Si dans l’éternité des cieux mêmes j’emporte
Ce mal dont je souffrais sur la terre, jadis !

Dans mon sommeil sans fin toujours le même rêve
M’obsède et fait couler comme autrefois mes pleurs ;
Ensemble triste et doux, il m’agite sans trêve
Et des mêmes désirs et des mêmes douleurs.