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LE JUIF.

Je le crois, car mes siècles de route m’ont rendu possible, je le sens, tous les métiers, toutes les gloires et tous les crimes aussi. Du boutiquier ignorant, ils ont fait un homme qui sait toutes les choses du monde, de l’espace et du temps, le mystère de la terre, du soleil et des planètes. Je suis savant, à présent, comme un prêtre, comme un artiste, comme un menteur. Et je crois que je pourrais même penser, car depuis deux mille ans, je n’ai pu, dans cette bourse aux cinq sous, thésauriser que des souvenirs, sans les compter et sans les mettre en ordre.

Maintenant je regarde en arrière et toute ma peine s’allonge avec mon ombre vers le lointain. Pour la première fois, je la vois dans les heures passées.