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INTRODUCTION

gines de l’alchimie. Elle prouve en effet que ces origines ne sont pas fondées sur des imaginations purement chimériques, comme on l’a cru quelquefois ; mais elles reposaient sur des pratiques positives et des expériences véritables, à l’aide desquelles on fabriquait des imitations d’or et d’argent. Tantôt le fabricant se bornait à tromper le public, sans se faire illusion sur ses procédés ; c’est le cas de l’auteur des recettes du papyrus. Tantôt, au contraire, il ajoutait à son art l’emploi des formules magiques ou des prières, et il devenait dupe de sa propre industrie.

Les définitions du mot « or », dans le lexique alchimique grec qui fait partie des vieux manuscrits, sont très caractéristiques : elles sont au nombre de trois, que voici :

« On appelle or le blanc, le sec et le jaune et les matières dorées, à l’aide desquelles on fabrique les teintures solides ; »

Et ceci : « L’or, c’est la pyrite, et la cadmie et le soufre ; »

Ou bien encore : « L’or, ce sont tous les fragments et lamelles jaunis et divisés et amenés à perfection. »

On voit que le mot « or », pour les alchimistes comme pour les orfèvres des papyrus de Leide, et j’ajouterai même, à certains égards, pour les orfèvres et les peintres d’aujourd’hui, avait un sens complexe : il servait à exprimer l’or vrai d’abord, puis l’or à bas titre, les alliages à teinte dorée, tout objet doré à la surface, enfin toute matière couleur d’or, naturelle ou artificielle. Une certaine confusion analogue règne même de nos jours, dans le langage courant ; mais elle n’atteint pas le fond des idées, comme elle le fit autrefois. Cette extension de la signification des mots était en effet commune chez les anciens ; le nom de l’émeraude et celui du saphir, par exemple, étaient appliqués par les Égyptiens aux pierres précieuses et vitrifications les plus diverses[1]. De même que l’on imitait l’émeraude et le saphir naturels, on imitait l’or et l’argent. En raison des notions fort confuses que l’on avait alors sur la constitution de la matière, on crut pouvoir aller plus loin et on s’imagina y parvenir par des artifices mystérieux. Mais, pour atteindre le but, il fallait mettre en œuvre les actions lentes de la nature et celles d’un pouvoir surnaturel.

  1. Origines de l’Alchimie, p. 218.