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naturelle ; puisque tu le veux bien, nous nous épouserons ; mais personne ne doit savoir que je puis redevenir homme ; jure-moi de ne le répéter à âme qui vive.

— Je te le jure, dit-elle.

Là-dessus, la jeune fille regagna le château, tandis qu’Yves de Kermac’hek, redevenant cheval, partit en galopant annoncer la bonne nouvelle à sa mère. Celle-ci fut bien joyeuse et accueillit Gaïdic avec empressement.

La noce se fit tout à fait simplement et il n’y eut d’autre fête qu’un repas de famille. Les parents de l’homme-cheval firent l’accueil le plus charmant à Gaïdic et elle vécut dès lors au château, ayant à souhait tout ce qu’elle désirait. Son mari demeurait jour et nuit dans une tour, en une partie retirée du château. Sa femme allait lui porter à manger ; pendant la journée, cela l’attristait de voir que son époux était un cheval, mais elle était bien heureuse, lorsqu’elle allait le visiter la nuit, de le voir revenu sous sa forme naturelle, car alors il était d’une grande beauté.

Au bout de quelques mois, Gaïdic devint enceinte et, à quelques jours de là, ses parents qu’elle n’était pas retournée voir depuis son mariage, voulant réunir chez eux quelques amis, comme c’était souvent la coutume du pays, l’invitèrent pour faire l’honneur de sa présence à la compagnie. Elle s’y rendit, et comme elle était la fille du meunier et que toutes les commères qui se trouvaient là l’avaient connue toute petite, elles étaient hardies avec elle, et la voyant enceinte, elles lui demandèrent comment il se faisait qu’étant mariée à un cheval elle fût devenue dans cet état ; elle refusa d’abord de leur dire, mais pressée de questions, elle finit par leur avouer que son mari n’était pas toujours cheval.

Le soir, quand de retour au château elle fut porter à manger à son mari, celui-ci avait l’air profondément affligé.

— Qu’as-tu à être triste ? lui dit-elle.

— Hélas ! lui répondit-il, j’ai bien sujet d’être triste, car dès demain, il me faudra te quitter !

Et comme elle ouvrait des yeux étonnés, il continua :

— Oui, Gaïdic, quand je t’avais fait jurer de ne jamais répéter que j’étais cheval seulement le jour, c’était parce que du moment où le secret serait dévoilé, je redeviendrais homme pour toujours, mais je ne devais pas te prévenir de cela, et d’autre part, du jour où tu trahirais le secret je devrais te quitter. Ce jour est arrivée