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— Il parait, d’après ce qu’on m’a raconté, que vous devez vous marier avec le fils du château.

— Moi, répondit-elle, me marier avec un cheval ? J’aimerais mieux mourir !

Yves de Kermac’hek, car c’était lui, poussa un cri sauvage et, redevenant cheval, se rua sur la jeune fille et la tua. Il pouvait à certains moments redevenir homme, mais personne ne devait le savoir, si ce n’est celle qui l’épouserait. Après l’avoir tuée, il alla raconter à sa mère ce qui était arrivé, et lui dit de lui trouver une autre jeune fille qui voulût bien se marier avec lui. La pauvre femme se désola, mais comme elle savait que son fils ne renoncerait pas à son projet, elle calma les ressentiments du pauvre meunier en le libérant de ses dettes, puis elle se mit à chercher une autre fiancée pour son fils. Mais la nouvelle de la mort de la première s’était répandue, et partout on refusa ses propositions. Comme elle ne trouvait nulle part une bru et que son fils la pressait de jour en jour davantage, elle se décida à risquer une autre tentative auprès du meunier. Elle se rendit donc au moulin ; le meunier refusa d’abord sa proposition ; mais comme elle lui promit une forte somme d’argent si le mariage se faisait, il finit par consentir, et le lendemain, la seconde de ses filles alla au château pour achever le blanchissage.

Les choses se passèrent comme pour l’aînée : Yves de Kermac’hek vint la voir sous sa forme humaine, lui fit la même demande, et comme elle répondit dans le même sens que sa sœur, il la tua pareillement.

Voilà la pauvre mère encore plus contrariée qu’avant, d’autant plus que son fils, bien loin de renoncer à ses projets de mariage, la pressait de plus en plus de lui trouver une femme ; mais elle eut beau lui en chercher une dans toute la Bretagne et même en France, aucune ne voulait épouser un cheval. Alors pensant que le meunier, auquel elle avait donné une grosse somme d’argent, était un peu calmé, elle lui fit demander sa troisième fille. Cette fois, le meunier refusa nettement ; une seconde fois, elle le fit encore prier, même refus ; une troisième fois elle ne fut pas plus avancée ; enfin, comme elle lui fit proposer de lui donner le moulin s’il consentait à tenter l’aventure, il se laissa fléchir, et envoya Gaïdic, sa dernière fille, achever le lavage que ses aînées avaient commencé. Comme les deux autres fois Yves de Kermac’hek vint la voir au milieu de son travail, et quand il lui demanda si elle consentirait à épouser le fils du château malgré sa métamorphose, Gaïdic lui répondit que oui.

Aussitôt, il se jeta à ses pieds, et lui dit :

— Écoute, Gaïdic, c’est moi qui suis l’homme-cheval ; la nuit, et parfois à certains moments, pendant le jour, je reprends une forme