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L’ŒUVRE D’HENRI POINCARÉ


LE PHYSICIEN

L’œuvre de Henri Poincaré m’apparaît comme un chêne puissant que les bras d’un seul homme ne sauraient entourer ; en se tenant les mains, il faut être plusieurs pour en faire le tour et lever haut les yeux pour en voir le sommet. Puisée au plus profond de notre sol par les racines de cette subconscience dont il analysa lui-même si finement la structure, son intelligence souveraine est la sève subtile et forte à la fois qui monte, par des branches dont nul ne pourrait dire quelle est la plus robuste, vers les rameaux entrecroisés où se jouent librement tous les vents de l’esprit.

Doué d’une incroyable activité mentale. Henri Poincaré remplit comme on respire cette fonction de réfléchir pour les autres hommes qu’il assigne au savant. Son irrésistible besoin de comprendre s’étendit à tous les domaines de la pensée précise. Le même souci de généralisation qui domine toute son œuvre de mathématicien et le conduisit à des conceptions si neuves, à des vues d’ensemble si hardies,. à la découverte de liaisons imprévues entre des théories si éloignées en apparence, devait l’attirer vers le mouvement qui depuis près de vingt ans renouvelle la Physique, vers la vaste synthèse dans laquelle nous tentons de faire entrer à la fois les faits déjà connus ainsi que tout un monde de phénomènes nouveaux. Il a dominé la physique moderne avec la même aisance que les mathématiques et que l’astronomie.

Sa contribution y est de premier ordre. Non seulement ses travaux d’analyse nous ont apporté des instruments nouveaux pour exprimer en nombres les conséquences lointaines de la théorie et les appliquer comme les fils d’un réseau de plus en plus souple et fin sur une réalité que l’expérience révèle chaque jour plus com-