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être le mode le plus luxueux n’est pas le plus riche ni le plus utile. Car on sait que l’enveloppe du grain contient plus d’éléments azotés ou nutritifs, que la partie blanche où domine le fécule ; à part l’azote, nous trouvons aussi dans l’enveloppe du grain, des substances rapides, odorantes, grasses, riches en sels terreux, les mieux pourvus enfin de ces ferments qui favorisent la digestion et l’assimilation. Aussi voyons-nous l’illustre Magendia nous prouver que le pain blanc de Paris est un aliment très inférieur au pain bis, et M. le docteur T. Guérin regarde le pain blanc comme un aliment insuffisant pour les enfants, chez qui il provoquerait le rachitisme. Il n’en est pas de la mouture comme du raffinage du sucre : le sucre le plus blanc est le plus pur, mais la farine la plus blanche n’est pas la meilleure.

J’étais à me demander tout à l’heure quel était l’Homère de l’électricité, il serait curieux de savoir quelle est l’autorité qui a recommandé à une époque déjà éloignée, la manipulation des farines qu’on nous sert aujourd’hui.

Puisque je suis à parler du pain, qui autant que l’air est le pabulum vital, pourquoi n’attirerais-je pas l’attention de l’autorité sur les falsifications qu’il peut subir. On inspecte les viandes ; le pain on le pèse seulement, comme si ce dernier n’était pas susceptible de falsifications.

Il est pourtant bien établi qu’on introduit dans le pain du sulfate de zinc, du sulfate de cuivre, ou carbonate d’ammoniaque, du carbonate et du bicarbonate de potasse, du carbonate de magnésie, du carbonate de chaux (craie) de la terre de pipe, du borase, du plâtre, de l’albâtre en poudre, des sels de niome, de la fécule de pomme de terre, du salap, de la poudre d’iris de Florence, de la farine d’orge, de maïs, de l’alum, etc. (Tardieu).

Comme on le voit la nomenclature est assez longue. Il y a quelques années, un boulanger à Londres surchargea son pain de tant d’alun qu’il en résulta plusieurs accidents.

Pourquoi, cette substance alimentaire plus indispensable ou au moins plus généralisée que la viande, n’est-elle pas soumise à l’analyse ? est-ce qu’on oublie que l’industrie instinctivement, de nature, est frauduleuse, et que l’œil de l’autorité doit exercer sur elle une incessante surveillance ?


  St-Henri, nov., 1881Sévérin Lachapelle.