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l’histoire, en disant que si parfois Dieu a soumis le gouvernement de droit divin à des épreuves et même à de justes punitions, soit à cause de la licence des mœurs, soit à cause d’abus de pouvoir de la part des hommes, il n’a pour cela oté à la monarchie, ni son génie civilisateur, ni le sentiment de l’honneur qui est l’un de ses caractères distinctifs, ni sa faculté de renaître plus brillante et plus forte que jamais, mi enfin les droits légitimes qu’elle a conquis sur l’humanité par ses œuvres solides et ineffaçables. Le moyen âge disait  : vox populi, vox Dei ! mais c’était l’époque où l’on se groupait en masse sous le même étendard de l’obéissance et de la foi. Aujourd’hui la voix du peuple n’a plus les nobles et fidèles accents du passé ; elle ne crie plus : le Roi est mort, vive le Roi ! Son dévouement se borne à elle-même, et brisant avec les plus saintes traditions, ne voyant pas sa faiblesse et son inconséquence, elle marche fatalement vers deux despotismes : celui qu’elle rencontre dans sa propre souveraineté, ou le césarisme auquel elle cède souvent le pas : triste alternative que l’expérience a démontrée bien des fois, et que l’histoire n’a jamais pu justifier.

S’il existe vraiment dans l’Amérique Septentrionale de franches traditions du bon vieux temps, c’est encore au Canada qu’il faut les aller chercher. Sur ces quelques arpents de neige qui forment aujourd’hui une puissance atteignant deux mers par le fait de ses conditions géographiques et politiques, il y a une gaîté que, ni le froid, ni la neige, ni les longues rigueurs qui les accompagnent ne peuvent altérer ; puis, ce qui est plus précieux encore, on y trouve une pureté de mœurs qui survivra malgré les préjugés et les orages suscités pour attirer sa perte. Mais la même sérénité n’existe pas aux États-Unis où l’esprit est plus tourmenté de désirs fiévreux et plus renfermé dans le cercle exclusif d’une matérielle insatiabilité qui détermine la sécheresse du cœur et l’inquiétude de l’âme. Il est donc important pour les canadiens de s’attacher à leur sol et de continuer dignement leur histoire, s’ils veulent former un peuple digne de ses braves et fidèles ancêtres.

Si l’humanité se condensait moins sur un seul point, elle éviterait sans doute un nombre infini d’obstacles et de mi-