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Il n’est pas rare de rencontrer dans la société américaine des gens, qui par une éducation soignée et par l’expérience des voyages ont acquis des manières aussi aisées que bienveillantes. Beaucoup de femmes méritent une bonne note pour leur élégance et leur distinction ; elles affectent quelquefois du goût pour les sciences et les arts ; mais bien que ces tendances dégénèrent la plupart du temps en manie, il en ressort un certain vernis, qui prévient d’abord en leur faveur. Les hommes ont souvent de l’affection et du dévouement, mais comme ils sont ordinairement peu démonstratifs, il faut une certaine observation pour apercevoir la franchise incontestable de leurs sentiments.

Abordons maintenant une critique moins grave. Il est un type fréquemment représenté aux États-Unis : c’est celui du parvenu. Ce favori de la fortune ne veut pas tourner au bourgeois pacifique et insouciant du reste du monde : il oublie facilement l’égalité qu’il a tant prônée autrefois : il a, qui le croirait ! des tendances aux manières aristocratiques. Que voulez-vous ? ce bon républicain n’est pas tenu d’observer une rigidité antique ; il n’est pas infaillible ; il plie selon les circonstances qui lui semblent les plus avantageuses et tourne au moindre vent des richesses. D’ailleurs, ne l’oublions pas, il est toujours libre : c’est-à-dire libre d’interprêter à son gré le sens du mot liberté ; libre de se créer une petite puissance ; libre enfin de ne plus regarder son voisin, si celui-ci ne possède pas un gros capital. Voilà donc notre heureux parvenu en guerre avec l’esprit de ses institutions ; mais tranquillisons-nous, la République est débonnaire, elle lui a déjà pardonné, et lui pardonnera plus encore. Dès lors notre bourgeois s’étudie à faire de l’effet : il mène grand train ; il a son équipage, ses domestiques ; il collectionne même des peintures et de la céramique d’une authenticité et d’une valeur souvent plus que douteuses ; il s’adonne enfin à l’étude des langues vivantes, surtout de l’allemand ; car il faut le dire en passant, l’américain est devenu germanophile ; il ne jure plus que par M. de Bismarck qui, en retour lui expédie des milliers de colons, et opère ainsi une invasion plus efficace et plus durable que celle qui aurait la guerre pour motif.