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fait pas d’expertise du tout ! Car peut-on appeler expertise l’inauguration plus ou moins solennelle d’un instrument récemment installé et par le fait déjà reçu, le concert improvisé servant de joute à une demi-douzaine d’organistes décidés à confirmer un succès annoncé d’avance en faisant valoir les jeux les mieux réussis ?

Mais l’instrument le plus médiocre contient encore quelque jeu à effet, de jolis riens propres à éblouir la foule, ne fut-ce qu’une voix humaine, ou même céleste, un coucou piccolo d’un seul pied. En faut-il davantage pour faire oublier des défauts essentiels comme, par exemple, un pédalier sans l’étendue requise, des demi-registres, des altérations ou des emprunts aux sommiers, défauts qui rendraient un orgue non recevable partout ailleurs qu’en ce pays ?

L’organiste sérieux invité à pareil concours est réduit au silence par les tours de passe-passe d’un charlatan et devant un parti-pris d’admiration naïve, car en quelle qualité donnerait-il son avis si par hasard on le lui demandait ? Que répondre en présence d’un fait accompli, d’une réception toute faite ? « C’est, dit Étienne Morelot, une pauvre ressource de protester quand on est forcé d’assister à un désastre. »

Une vérification détaillée et prévue par le devis de toutes les parties de l’instrument, vérification à laquelle concourraient des personnes du métier, offrirait, on l’admettra sans peine, plus de garantie et de sécurité qu’un simple essai des différents jeux, cet essai fut-il le plus désintéressé du monde.

Quant au détail de cette vérification, je renvoie le lecteur à un extrait de Don Bédos[1] lequel nous donne pour la faire, une direction mise à la portée de toute personne intelligente et à l’oreille tant soit peu délicate.

Une pareille analyse, le livre en main, préviendrait bien des malentendus et récriminations, ferait l’éloge du bon facteur en décourageant le mauvais, si habile à s’imposer, à exploiter la bonne foi du clergé avant que celui-ci ait eu le temps de se reconnaître et de pouvoir comparer d’autres soumissions, avec la sienne.

  1. Cité par Regnier « L’Orgue. » Étude, cinquante-et-unième.