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la pression de la soufflerie,[1] vacarme peu dispendieux dont le coût se réduit (admirez la puissance de certaines orgues !) à l’addition sur les soufflets de quelques briques ou fragments de vieux poêles.

En vain le facteur consciencieux réclamera-t-il une registration moins économique, sans doute, mais plus complète et mieux proportionnée, on lui objectera qu’un tel fait des orgues tout aussi forts et à meilleur marché ; ainsi le pauvre facteur se trouvera placé dans l’alternative, ou d’entreprendre une concurrence ruineuse, ou de recourir lui aussi à des souffleries à haute pression, s’il ne veut voir ses instruments placés sur un pied d’infériorité.

Ni le goût ni la pensée musicale ne justifie l’exagération de la sonorité. Est-elle plus conforme à la pensée religieuse ?

Il est admis que le chant, comme expression des divers mouvements de l’âme, l’emporte sur la musique instrumentale, aussi les instruments ayant été destinés à accompagner la voix de l’homme se sont-ils réglés sur ce type, ce modèle admirable émané du Divin Facteur.

Le plus complet de tous, l’orgue, malgré sa simplicité primitive représentait assez bien déjà dans le mélange de ses jeux l’ensemble d’un chœur de voix pour exciter l’admiration de Baudry, archevêque de Dol, en Bretagne : « J’ai vu, disait ce prélat, un orgue animé par des soufflet, lequel mariait si bien les notes aiguës, moyennes et graves, qu’on les eût prises pour des voix concertantes. »[2]

Les perfectionnements de l’orgue moderne ne l’ont pas, que nous sachions, soustrait à sa destination, laquelle est, non d’étonner, d’amuser les fidèles, mais de soutenir le chant ecclésiastique ou d’y suppléer au besoin. Or, pour rester religieux et catholique, l’orgue ne doit-il pas s’harmoniser avec le chant de l’Église, en conserver l’expression, l’âme, le caractère qui est l’unité, l’onction, la suavité ? La

  1. La pression normale du vent est déterminée au moyen de l’anémomètre, sorte de siphon pourvu de degrés, et que l’on applique à l’un des trous du sommier. Le vent fait monter le liquide contenu dans l’anémomètre jusqu’au degré voulu. La pression pour une chapelle est de à 80 millimètres et pour une vaste église de 80 à 85. Reignier.
  2. Grave, acutos et medios uniens voces, ut quidam concinentium chorus putaretur. Lettre adressée aux moines de Fécamp.