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CAUSERIE MUSICALE.

L’ORGUE. — Suite


Des orgues puissantes


Il faut distinguer dans l’orgue deux genres de puissance : la puissance de sonorité et la puissance de caractère.

On obtient la première par l’exagération de la sonorité, l’usage disproportionné des jeux tapageurs et aigus, la seconde résulte d’un nombre suffisant de jeux bien nourris, de timbres et de registres bien équilibrés, fusion harmonieuse remarquable, moins par l’intensité du son que par la plénitude et l’ampleur de ses effets.

Nous conviendrons d’appeler les orgues appartenant à la première catégorie : des orgues fortes et les orgues de la seconde : des orgues puissantes.

Le vulgaire s’extasie volontiers sur le râle d’un bombarde à haute pression et des flûtes déchirantes comme des sifflets de locomotive, de même qu’il met au premier rang des organistes celui qui sait jouer toujours fort, car au vulgaire il faut des sensations pour lui tenir lieu de sentiment, et le bruit pour le bruit, même quand il n’exprime rien du tout, sera toujours pour son oreille l’harmonie la plus agréable, la seule et la plus haute expression de l’art.

L’homme de goût lui préférera l’orgue puissant, non pas seulement à cause de sa puissance, mais parce que cette puissance offre un élément de plus de contraste, de variété, d’émotion ; aussi l’organiste qui sait alternativement et à propos tirer parti de toutes les ressources de son instrument sera-t-il pour l’amateur délicat le premier des artistes.

Pour concilier le goût populaire avec le prix de ses instruments, le facteur qui fait de son art un métier, ne manquera pas d’accroître l’âpreté métallique de ses anches et le nombre de ses registres les plus bruyants, d’outrer surtout