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REVUE CANADIENNE

les individus comme les peuples se rapprocher les uns des autres pour marcher ensemble, l’œil au ciel, la main dans la main.



Toutefois il faut bien se garder de tomber dans la sentimentalité. La vie est un combat ; c’est notre devoir de nous ranger dans l’armée du bien, et, sans manquer à la charité, nous pouvons lutter de notre mieux. Dans certaines circonstances, un bombardement ou un éreintement sont œuvres pies, et on aurait tort de se priver sur ce point ; seulement il faut frapper sans cesser d’aimer. Cela peut se concilier parfaitement.

Louis Veuillot, dans la préface de Corbin et d’Aubecourt, a écrit ces lignes charmantes :

« Si j’ai soutenu tant de polémiques, ce fut bien par ma volonté, mais mon goût me portait ailleurs. J’ai été journaliste comme le laboureur est soldat, uniquement parce que l’invasion l’empêche de rester à cultiver ses champs. Je ne tenais ni à recevoir ni à porter des coups, et les joies de ma carrière ne sont pas d’avoir été mis à l’ordre du jour pour quelque fait d’armes plus ou moins heureux, mais d’avoir vu parfois une pauvre petite fleur éclore dans mon courtil délaissé. »

Ailleurs Louis Veuillot a dit qu’il jouait, dans l’Église, le rôle du suisse qui marche eu tête de la procession pour faire ranger les gamins et bâtonner un peu ceux qui ne veulent pas ôter leurs chapeaux. Il s’est aussi comparé à ces laïques de la primitive Église qui portaient les lettres que s’échangeaient les apôtres et les patriarches, les épitres qu’ils adressaient parfois aux fidèles d’une ville éloignée. Le long de la route, ils jouaient quelquefois du bâton, et peut-être tapaient-ils un peu plus ferme qu’il n’était strictement nécessaire. En cela même, si j’ai bonne mémoire, le grand écrivain insinue qu’il a pu être leur imitateur.

L’histoire reconnaîtra sans doute que M. Veuillot a rempli, dans l’Église, un rôle plus considérable que celui qu’il s’est lui-même attribué ; mais il est bon de constater qu’au