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« Celui qui sait faire une bonne salade peut écrire un bon livre. »

Je regrette de ne pas être dans les secrets des dieux de la cuisine, de ne pas avoir le génie du chevalier Gaudet : je donnerais volontiers ma recette, aux abonnés de la Revue, à titre de prime secondaire.

…En revanche, je vous enseignerai bien la manière dont on colore le fromage de Hollande.

La maurelle est une plante dont on fait une teinture et qui, dans le commerce, se trouve dans deux états différents : en drapeaux et en pain.

La préparation du tournerol ou maurelle en drapeaux est l’industrie d’un village de la Provence, Grand-Gallargues, aux environs de Lanel.

Le tournerol en pain se fait en Auvergne.

Un des lanessan, nous parlant de la première fabrication, nous fait la révélation suivante :

Les sommités et les fruits de la maurelle sont cueillis, puis broyés pour en extraire le suc. Dans ce suc on trempe des morceaux de toile d’emballage, qu’on arrose d’urine et qu’on fait sécher rapidement. On les place ensuite entre deux couches de paille sur des tas de fumier de cheval en fermentation et dégageant en abondance des vapeurs d’ammoniaque. Au bout d’une couple d’heures les chiffrons se colorent fortement en bleu ; on les fait sécher, puis on les imbibe de nouveau de suc de la plante mélangé d’urine. On les soumet à la même opération dans le fumier jusqu’à ce qu’ils aient pris une belle teinte pourpre. Tels sont les drapeaux, et voici ce qu’on en fait :

On les expédie en Hollande où ils servent à colorer le fromage de la manière suivante : les drapeaux sont macérés dans de l’eau cellei devenue bleue, qui sert à recevoir les fromages qu’on y laisse tremper quelque temps, et qu’on fait ensuite sécher. Les acides du fromage changent en rouge la matière colorante bleue qui s’est fixée dans l’épaisseur du fromage.

Et dire qu’il y en a qui peuvent se faire mourir pour un fromage !

Je ne puis pourtant close cette causerie sans parler encore