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Les races anglo-saxonne et germanique sont destinées à prédominer sur ce continent par le nombre ; c’est un fait qu’il faut admettre. Mais l’élément français y a un rôle important à jouer.

Pendant des siècles, la France catholique a été un foyer de lumière, une source féconde en idées généreuses, une inspiratrice de grandes œuvres. Rome seule l’a surpassée.

N’est-il pas permis de croire que les Français du Canada ont la mission de répandre les idées parmi les autres habitants du nouveau-monde, trop enclins au matérialisme, trop attachés aux biens purement terrestres ? Qui peut en douter ?

Mais pour que le peuple canadien-français puisse remplir cette glorieuse mission, il doit rester ce que la Providence a voulu qu’il fût : catholique et français. Il doit garder sa foi et sa langue dans toute leur pureté. S’il gardait sa langue et perdait sa foi, il deviendrait ce qu’est devenu le peuple français : un peuple déchu de son ancienne grandeur, un peuple sans influence et sans prestige. Si, d’un autre, il conservait sa foi, tout en renonçant à sa langue, il se confondrait avec les peuples qui l’entourent et serait bientôt absorbé par eux. Les individus pourraient toujours se sauver, mais la mission que la Providence semble avoir confiée aux Canadiens-français, comme peuple distinct, serait faussée.

La parole est une chose sainte. Elle fut communiquée par Dieu au père du genre humain, avec le souffle de vie. Elle n’a pas été inventée graduellement par l’homme, selon la prétention impie de plusieurs soi-disant savants modernes. La langue primitive enseignée par Jéhovah lui-même à Adam, et parlée par nos premiers parents dans le Paradis terrestre, a disparu, d’après l’opinion de graves théologiens, lors de la confusion des langues. Mais, bien que la parole ait perdu quelque chose de son caractère sacré sur la plaine de Sennaar, bien que la diversité de langage soit une punition, il n’en est pas moins vrai de dire que la langue est l’âme d’un peuple.