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vocation providentielle, et malheur à celui qui la manque par sa faute ; cent fois malheur à celui qui renonce à sa vocation par lâcheté ou par intérêt.

Il n’y a plus de peuples choisis comme l’a été le peuple juif. Mais le Tout-Puissant, qui ne fait rien à l’aveugle, a certainement assigné à chacune des nations qu’il a établies une mission spéciale dans le monde. À chacune Il a donné un cachet, un caractère, des aptitudes qui la distinguent des autres nations. « Les nations sont voulues de Dieu, dit le poète polonais Krazinski, et elles sont conçues dans votre grâce, ô Jésus-Christ. À chacune d’elles vous avez donné une vocation. En chacune d’elles vit une idée profonde qui vient de Vous, et qui est la trame de ses destinées. » Rien de plus vrai que ces paroles, et malheur au peuple qui refuse de remplir sa mission providentielle.

La mission providentielle des peuples : voilà le titre d’un beau livre qui reste à faire, je crois. Le sujet est trop vaste pour que je puisse même l’effleurer dans cet article. Mais aveugle est celui qui ne voit dans le trouble profond, dans l’agitation sans cesse renouvelée où sont aujourd’hui plongées presque toutes les nations de la terre, la preuve que les peuples ne marchent plus dans les voies que le Seigneur leur avait tracées.

Prenons seulement l’exemple de l’Espagne. N’est-il pas évident que Dieu a voulu qu’elle fût la maîtresse du nouveau continent, qu’elle contrôlât les destinées de l’Amérique ? Mais elle a manqué sa vocation. Au lieu de travailler à la propagation de l’Évangile, elle n’a songé qu’à ramasser des trésors périssables ; elle a préféré, comme arme, l’épée à la Croix. Aussi, à l’heure présente, son influence est-elle nulle. Quelques républiques impies, livrées à la guerre civile, à l’anarchie, voilà toute son œuvre.

Le peuple canadien-français, si petit qu’il soit, a indubitablement une mission à remplir en Amérique, une mission analogue à celle que le peuple français a longtemps remplie en Europe, et qu’il remplirait encore s’il ne s’était égaré dans l’inextricable dédale de l’impiété.