Page:Collectif - Revue canadienne, Tome 1 Vol 17, 1881.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même son nom, si absolument vous le voulez. Pour lui, le but à atteindre est de se faire accepter par le plus grand nombre possible, et la loi suprême de son art consiste à ne montrer ses vraies couleurs que par degré, avec prudence, ou à mesure qu’il constate chez ses dupes des dispositions plus faciles.

De là les diverses espèces de libéralisme, ou plutôt les diverses formes sous lesquelles le principe se présente, suivant les circonstances de lieux ou de personnes.

Il y a, en effet, ce qu’on est convenu d’appeler le libéralisme avancé, le libéralisme modéré, et (the last, but not the least) le libéralisme catholique. C’est surtout de ce dernier que nous voudrions parler ici : car, dans une société comme la nôtre, où règne encore l’esprit chrétien, il n’en est guère d’autres de possible.

Donc, que faut-il entendre par le libéralisme catholique ?

La réponse faite à cette question par l’illustre et très populaire Monseigneur de Ségur nous a paru renfermer des distinctions si lumineuses que nous ne résistons point au désir de la reproduire.

« Au fond, dit-il, le libéralisme catholique consiste dans une fausse idée de la liberté[1], idée protestante acceptée par des catholiques. Il y a ici à distinguer trois choses, souvent unies, mais parfaitement distinctes, à savoir : un sentiment, un parti et une doctrine.

« Chez les uns, le libéralisme catholique est une affaire de sentiment ; chez les autres, c’est une affaire de parti ; chez d’autres enfin, et c’est le petit nombre, c’est une affaire de doctrine. »

Puisqu’il n’y a que fort peu de catholiques qui en fassent une question de doctrine, même en France, où pourtant l’erreur ne manque ni d’audace, ni d’organes, nous dirons de suite qu’au Canada le libéralisme doctrinal est encore plus restreint qu’ailleurs. Il existe bien parmi nous un certain cercle de libéraux qui tiennent aux principes mêmes de l’école et s’en font, dans la presse et ailleurs, les plus zélés

  1. Ne pas confondre la liberté avec le libre arbitre. Dans la thèse du libéralisme, il n’est jamais question que de la liberté extérieure, de la faculté de faire sans entraves extérieures ce que l’on veut.