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REVUE POLITIQUE.



L’Europe est encore plongée dans la stupeur où l’a jetée l’assassinat de son plus puissant monarque et l’audace des assassins. Pendant que la Russie est dans le deuil, les nihilistes et les socialistes, réunis dans les grandes villes de l’Europe et de l’Amérique, avouent ouvertement leur crime et en font des réjouissances. Ces voix discordantes dans le concert de désapprobation qui s’est élevé de toutes les parties du monde civilisé produisent un effet pénible. Il y avait autrefois des régicides ; mais c’était l’inimitié personnelle qui armait leur bras, et non la haine de l’autorité. Aujourd’hui, on en veut aux rois parce qu’ils sont rois, et on forme des associations pour supprimer, par l’assassinat, ceux qui veulent opposer des digues à la révolution.

Alexandre II, czar des Russies, a été assassiné dimanche, le 13 mars, en revenant de faire une revue des troupes. Deux bombes explosives, lancées l’une sous son carrosse, l’autre près de lui après qu’il eut mis pied à terre, le frappèrent à mort ainsi que plusieurs personnes de son escorte. Transporté à son palais, le czar expirait quelques heures plus tard. Lundi matin, le czarewitch prenait possession du trône impérial sous le nom d’Alexandre III. Le lendemain, on trouvait creusée sous une rue par où devait passer le cortège impérial une mine contenant quatre-vingt-dix livres de dynamite et de fulminate de mercure. Si les bombes avaient failli à accomplir l’œuvre de mort, une étincelle électrique serait venue sous les pas de l’empereur enflammer ces matières d’une énorme force explosive. Ainsi les mesures des nihilistes étaient bien prises. Six fois déjà Alexandre II avait échappé à leurs coups, et plusieurs de leurs complots avaient été déjoués avant exécution. Les chefs de la conspiration, réfugiés à l’étranger, dirigeaient en sûreté les bras de leurs séides, et marquaient même l’heure où devait s’accomplir le crime.

Alexandre II était aimé de son peuple ; aucun prince de