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PÊLE-MÊLE.

Fantaisies et Souvenirs Poétiques. — Par L. H. Fréchette.

Rien ne réussit comme le succès. Depuis que l’Académie française a décerné à M. Louis Honoré Fréchette le prix Montyon « pour l’ouvrage le plus utile aux mœurs, » une portion du pays veut absolument que l’auteur des Fleurs boréales soit le plus grand poète qu’on ait vu, un poète qui « s’abime sous le poids de sa propre gloire. » Hier encore il errait avec Benjamin Sulte et Pamphile Lemay dans les contre-forts du Parnasse. Les Quarante l’ont couronné : le voici monté au fin sommet. De sot te qu’il est vrai de dire que c’est à l’Académie dont M. Camille Doucet est le secrétaire perpétuel, que nous devons la découverte de notre Victor Hugo canadien. Sans l’Académie, M. J. P. Tardivel jurerait encore ses grands dieux que M. Fréchette ne tourne pas mieux un sonnet que son ami M. Chapman.

Et pourtant avant d’écrire ses Fleurs boréales et ses Oiseaux de neige, M. Fréchette avait donné aux lettres Pêle-mêle. Qui en a parlé ? Pas un journal. Qui l’a lu ? Quelques désœuvrés.

Je n’ai pas vu les poèmes académiques de M. Fréchette, mais je doute qu’ils valent mieux que son Pêle-mêle.

Comme ciselure, comme orfèvrerie, comme poli, nous n’avons rien dans notre littérature canadienne d’aussi parfait que cet écrin.

La forme est soignée jusqu’à l’excès, et la coupe du vers est irréprochable. Au reste, M. Fréchette appartient à l’école de ceux qui nourrissent le « scrupule de la forme », comme disait Sainte-Beuve. Cette école remonte à 1830, et a pour chef Victor Hugo. Du maître aux innombrables