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même qu’il a fallu vous faire, les éloges qu’il a fallu donner au Christ et à ses prétendues écoles secrètes, la fable des Francs-Maçons longtemps en possession de la véritable doctrine, et notre Illuminisme aujourd’hui seul héritier de ses mystères, ne vous étonnent plus en ce moment. Si, pour détruire tout christianisme, toute religion, nous avons fait semblant d’avoir seuls la vraie religion, souvenez vous que la fin légitime les moyens que le sage doit prendre pour le bien, tous les moyens du méchant pour le mal. Ceux dont nous avons usé pour nous délivrer, ceux que nous prenons pour délivrer un jour le genre humain de toute religion, ne sont qu’une pieuse fraude que nous nous réservons de dévoiler dans ce grade de mage ou de philosophe illuminé…

« La vraie morale n’est autre chose que l’art d’apprendre aux hommes à devenir majeurs, à secouer le joug de la tutelle, à se mettre dans l’âge de leur virilité. La morale qui doit opérer ce prodige n’est point une morale de vaine subtilité ; elle ne sera point cette morale qui en dégradant l’homme le rend insouciant pour les biens de ce monde, lui interdit la jouissance des plaisirs innocents de la vie, lui inspire la haine de ses frères. Ce ne sera point celle qui favorise l’intérêt de ses docteurs, qui prescrit les persécutions, l’intolérance, qui contrarie la raison, qui interdit l’usage prudent des passions, qui nous donne pour vertus l’inaction, l’oisiveté, la profusion des biens envers les paresseux. Ce ne sera point surtout celle qui vient tourmenter l’homme déjà assez malheureux et le jeter dans la pusillanimité, dans le désespoir, par la crainte de l’enfer et de ses démons…

« Tout ce que nous disions contre les despotes et les tyrans n’était que pour amener à ce que nous avons à vous dire du peuple lui-même, de ses lois et de sa tyrannie. Ces gouvernements démocratiques ne sont pas plus dans la nature que les autres gouvernements.

« Si vous nous demandez comment les hommes vivront désormais sans lois et sans magistratures, sans autorités constituées, réunis dans leurs villes ; la réponse est aisée. Laissez-là et vos villes et vos villages et brûlez vos maisons. Sous la vie patriarcale, les hommes bâtissaient-ils des villes, des maisons, des villages ? Ils étaient égaux et libres ; la terre était à eux ; elle était également à tous, et ils vivaient également partout. Leur patrie était le monde et non pas l’Angleterre ou l’Espagne, l’Allemagne ou la France. C’était toute la terre et non pas un royaume ou une république dans un coin de la terre. Soyez égaux et libres, et vous serez cosmopolites ou citoyens du monde. Sachez apprécier l’égalité, la liberté, et vous ne craindrez pas de voir brûler Rome, Vienne, Paris, Londres, Constantinople, et ces villes quelconques, ces bourgs et ces villages, que vous appelez votre patrie. — Frère et ami, tel est le grand secret que nous vos réservions pour ces mystères. » (Neuvième partie du code illuminé, classe des grands mystères : Le Mage et l’Homme roi.)

Une fois qu’il eut rédigé son système, Weishaupt entreprit de le faire adopter non seulement par la secte qu’il avait