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voyaient hier que des bois et des déserts ; et elles arrivent rapidement à une brillante prospérité matérielle. Avant un siècle, si ce mouvement continue, le centre du monde sera déplacé.

Ces progrès sont éblouissants ; l’histoire n’a rien enrégistré de tel et l’imagination n’a rien rêvé de plus. Mais on ne peut avoir en ces civilisations hâtives qu’une confiance restreinte. L’histoire et la nature nous enseignent toutes deux que les croissances rapides ne sont pas durables et qu’elles gagnent en éclat ce qu’elles perdent en solidité. Combien de cités éphémères n’ont-elles pas brillé d’un vif éclat dans l’histoire ? La tempête les a balayées, et l’on a pu voir que leur développement avait été inpondéré. Si les mêmes causes doivent amener toujours les mêmes effets, on peut se demander quelles gigantesques catastrophes attendent ces cités de l’Ouest, nées d’hier d’un souffle matériel comme les enfants du hasard, sans assises, sans traditions, déjà plongées profondément dans la corruption morale et dans cette autre corruption qu’on appelle la malhonnêteté.

La colonisation de notre Nord-Ouest diffèrera dans ses caractères essentiels de la colonisation des provinces de l’Est de la Confédération, et se rattachera plus intimement par son genre à la colonisation des Etats limitrophes de l’Union américaine. Si les prévisions de nos hommes d’état se réalisent, le développement en sera aussi rapide, et les cités vont naître en nombre, et au hasard, sans filiation. Pour nous, Canadiens-français, cela signifie l’accroissement et la prépondérance numérique plus marquée de la population d’origine étrangère, et la diminution de la part d’influence que nous avons pu jusqu’ici nous réserver dans la Confédération. Mais ces flots d’étrangers que l’on appelle et que l’on attend ne nous font pas perdre espoir dans l’avenir de la race française sur ce continent. Nous n’avons pas dû nos succès au nombre, et notre force civilisatrice est supérieure dans son genre à celle des arrivants ; ses effets sont plus durables. Résignons-nous à voir dominer des races étrangères dans ces lointaines contrées que nos pionniers ont découvertes et parcourues en tous sens. Nous y