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il était impossible d’être plus sobrement et plus élégamment dessinée, et l’on pouvait en dire autant des nuances du plumage. Il se composait exclusivement de deux teintes, et de celles que l’on nomme neutres, c’est-à-dire très peu voyantes, gris et pourpre sombre. Mais le gris était si admirablement et si délicatement nuancé de clair sur la tête et sous les ailes, et de foncé sur les pennes et le poitrail, qu’il était impossible de rêver une toilette moins tapageuse et de meilleur goût. Tel semblait être, du reste, l’avis de celle qui le portait, car elle en était très fière et très soigneuse, et, contre l’habitude de beaucoup de perroquets qui se crottent comme des clercs d’huissiers, elle était toujours admirablement nette.

« What is your name ? lui dit Gueuxarcher.

— Cocotte, poor miss Cocotte. » répondit l’oiseau sans la moindre hésitation.

Mais son savoir s’arrêtait là, et son hôte malgré lui eut beau pousser son interrogatoire, il ne réussit point à en apprendre davantage. Miss Cocotte se contentait de répondre :

« Foor Cocotte ! poor Pulley ! »

Il résultait de cet interrogatoire que miss Cocotte était Anglaise et qu’elle avait dû appartenir à quelque vieille miss fanatique de Gambetta. Gueuxarcher n’avait jamais connu de perroquet à sa voisine, la veuve du baronnet. Mais cette lady à la formidable mâchoire avait pu indiquer son adresse à quelque amie fantasque qui se serait déchargée sur lui du soin de pourvoir aux besoins de miss Cocotte. Cependant, la beauté et l’intelligence de l’animal rendaient cette supposition peu vraisemblable, car il ne devait pas être d’un placement difficile parmi les amis de sa maîtresse, et un oiselier l’aurait acheté son prix. Pour plus ample information, il devait attendre le réveil du cerbère, sans la permission duquel il n’avait pu s’introduire dans son nouveau domicile. Pour le moment, il fallait le réintégrer dans son appartement particulier, et Gueuxarcher, trop confiant dans sa brillante éducation, commit l’imprudence de lui offrir galamment la main ni plus ni moins qu’à une miss de qualité ; mais il oubliait qu’il avait affaire à une perruche anglaise et qu’il n’avait pas été présenté. Aussi, au lieu d’accepter son bras, miss Cocotte le mordit cruellement. Exaspéré de cette trahison, il leva