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Et comme, en tâtonnant dans l’obscurité, il avait mis la main sur les allumettes, il en frotta une vivement, et sa lumière lui permit de distinguer, sous le bureau, une cage d’une grande dimension, à travers les barreaux de laquelle on apercevait distinctement l’amoureuse du célèbre tribun. C’était une perruche.

II

« Ouf ! J’aime mieux ça, » se dit Gueuxarcher après avoir bien et dûment constaté que le bipède si enthousiaste du jeune dictateur était un simple volatile et non la veuve osseuse d’un baronnet. Mais la présence de cet oiseau dans sa propre cage à lui n’en était pas moins inexplicable, car il n’y était pas arrivé par la fenêtre avec son home de fil d’archal et ses mangeoires parfaitement garnies. Et d’abord, les fenêtres étaient hermétiquement fermées. En attendant l’explication de ce mystère, dont son cerbère devait avoir la clef, il tira la cage jusqu’au milieu de son cabinet et en ouvrit la porte. Aussitôt libre, la perruche se mit à exécuter une série de tours de gymnastique très compliqués, à la suite desquels elle bascula autour du linteau de sa porte, et, s’aidant du bec et des pattes, elle se trouva sur le dôme de sa cage, où elle se mit à se balancer d’un bord sur l’autre, , comme un ours blanc sur son glaçon, tout en aiguisant le croissant formidable de son bec sur le fil de fer avec un bruit strident.

Gueuxarcher put alors examiner tout à l’aise sa nouvelle hôtesse. Au premier abord elle ne payait pas de mine, et n’eût été la cisaille recourbée qui lui servait à la fois d’outil et de masque, on aurait pu la prendre pour un vulgaire pigeon fuyard, dit biset, à cause de sa couleur grise. Telle était, en effet, la nuance de la robe qui couvrait l’étrangère, et sa queue, la partie la plus brillante de sa toilette, était d’un pourpre foncé, qui a fait donner, par les oiseliers, à ce genre de perroquets, le nom assez méprisant de queue de vinaigre. Mais si l’on comparait attentivement ses formes avec celles du biset ou de la bisette, puisque l’étrangère appartenait à la plus belle moitié du genre perroquet, on trouvait la même différence qu’entre une meunière et une duchesse, car