Page:Collectif - Revue canadienne, Tome 1 Vol 17, 1881.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.

opèrent est grand et les encouragements leur viennent de haut. La vérité attaquée et niée trouve dans ces revues une brillante défense et une éclatante revendication. Sans cesse sur la brêche, elles interrogent tout fait nouveau, observent tout courant d’opinion, sondent tout changement pour en saisir le but et en prévoir les conséquences.

Qui ne comprend l’importance de leur œuvre ? La société moderne est atteinte d’un mal profond ; il faut le découvrir, le mettre à nu. Elle flotte, elle erre, cherchant le mot de la fin dans tout phénomène, toute invention, tout progrès. Elle a perdu ses assises et c’est une noble mission, une noble tâche que de travailler à les lui rendre.

En Canada s’introduit aussi cet esprit moderne, ce désir irrésistible du nouveau. La liberté constitutionnelle donnant plein moyen d’action, on s’imagine trop facilement qu’il suffit de toucher à notre législation, à nos institutions pour remédier à nos maux. On veut souvent porter sur ces choses une main hâtive, imprudente et inexpérimentée, n’ayant en vue que l’intérêt immédiat et ne réfléchissant pas qu’un petit changement peut quelquefois causer dans le système des perturbations dangereuses.

Notre politique est emportée par le mouvement vertigineux du siècle ; notre législation se fait avec une hâte et une légèreté regrettables mais peut-être inévitables. Nous sommes loin du temps où, avec une prudente réserve, on attendait pour tout changement important la sanction antérieure de la coutume. Aujourd’hui, non-seulement les lois, mais les constitutions mêmes s’altèrent de jour en jour. Le mandataire du peuple se trouve tout à coup en présence d’une loi, d’une mesure dont il ne prévoit pas toute la portée. C’est une question qui touche à l’éducation, aux rapports de l’Église et de l’État, qui affecte une base sociale, un principe religieux, ou qui comporte un vif intérêt national. Le législateur choisi par le vote populaire n’est pas toujours, ne peut pas être toujours compétent à la juger. Il est souvent bien disposé, il ne demande qu’à être éclairé et il est urgent qu’il le soit. Certains hommes se sont fait une spécialité d’étudier ces difficiles questions ; faisons appel à leurs lumières, chargeons-les de les traiter.